— English version here (AlpICT website) —
Par Sébastien Mabillard, directeur de Swiss Digital Health
Alors que la barre des 3000 victimes du coronavirus (Covid-19) a été franchie au début mars, les technologies se multiplient pour tenter d’enrayer cette épidémie mondiale. Parmi elles, le digital a sa carte à jouer : chatbots, robots, télémédecine et big data sont notamment déployés pour aider à récolter des infos, à rassurer la population, à soigner les patients ou même à préparer les futurs vaccins. Tour d’horizon des innovations et technologies actuellement en cours.
Le Covid-19 est la première grande épidémie de ces dernières années. Elle représente donc une excellente opportunité pour les nombreuses entreprises et technologies de santé numérique de voir ce qu’elles peuvent faire pour aider à contrecarrer cette menace. C’est notamment le cas en Chine, foyer du virus. Selon CNN, les géants technologiques chinois ont ainsi répondu à l’épidémie en déployant des véhicules autonomes pour approvisionner le personnel médical, en équipant des drones de caméras thermiques pour améliorer la détection du virus ou encore en prêtant leur puissance de calcul pour aider à développer un vaccin.
Le géant chinois du commerce électronique JD.com a ainsi récemment fait appel à des robots pour acheminer des marchandises aux travailleurs médicaux de la ville de Wuhan, dans le centre de la Chine, chat d’où le virus est originaire.
Baidu, l’équivalent chinois de Google, a mis au point un modèle d’intelligence artificielle pour détecter les personnes qui ne portent pas de masques de protection. Un autre problème qui se pose avec les masques est lorsque la moitié du visage est cachée, les solutions de reconnaissance faciale traditionnelles ne fonctionnent plus correctement. Dès lors, les citoyens sont obligés de retirer leur masque pour payer leurs courses ou accéder à un bâtiment, ce qui pose des problèmes d’hygiène. SenseTime, une société hongkongaise spécialisée dans la surveillance automatique de foules, a ainsi développé un système d’identification qui fonctionne malgré le port d’un masque de protection.
Chatbots à la rescousse aux USA
Les Etats-Unis ne sont pas en reste pour le déploiement des solutions digitales de lutte contre le coronavirus. La première personne diagnostiquée aux États-Unis était ainsi traitée par quelques professionnels de santé, mais également par un robot, selon CNN Health. Ce robot, équipé d’un stéthoscope, aide les médecins à prendre les signes vitaux de l’homme et à communiquer avec lui sur un grand écran.
Toujours aux USA, les chatbots sont largement utilisés dans la détection de la maladie. Ces robots conversationnels permettent de rassurer les gens et les aider à se faire soigner, tout en les tenant à l’écart des salles d’attente des cliniques et des centres de soins d’urgence. Et si le coronavirus se répand plus largement aux États-Unis, ces entreprises pourraient être amenées à jouer un rôle plus important dans le tri des cas suspects.
La start-up 98point6, basée à Seattle, propose des visites médicales virtuelles via son application. Les patients commencent à discuter avec une intelligence artificielle avant d’être transférés à un médecin qui poursuit la conversation par SMS. Check About Cherrymodels
A fin janvier dernier, Bright.md, une start-up de Portland, a mis quant à elle en service son propre système de dépistage des coronavirus. Son produit utilise l’IA pour mener des entretiens à distance avec les patients. Lorsque l’application de Bright.md signale un cas possible de coronavirus, le logiciel organise automatiquement une rencontre vidéo avec un médecin.
En Israël, le centre médical Sheba a appliqué la télémédecine à 12 patients mis en quarantaine. Surveillance à distance des protocoles de traitement, examens médicaux sans présence de personnel médical et robot contrôlé à distance par des médecins (avec écran, caméra et équipement médical) ont été déployés sur place.
L’épidémiologie numérique se développe
Le numérique permet également de jouer un rôle clé dans l’information et donc sur l’anticipation de la maladie. C’est ce que l’on appelle l’épidémiologie numérique, qui consiste à récolter, analyser et trier les gigantesques masses de données produites sur internet. Cette technique est rendue plus simple actuellement, grâce aux populations hyperconnectées.
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, basé en Suède, scrute ainsi l’apparition des maladies grâce à internet et aux réseaux sociaux. Dans le cadre du projet Epidemic Intelligence, des spécialistes des données et des médecins épidémiologistes analysent internet, les médias et les réseaux sociaux à la recherche de nouveaux cas. Reste que leur tâche est énorme. Pour le coronavirus, des millions de tweets par exemple analysés chaque jour.
Dans le même ordre d’idée, l’Université Harvard a développé HealthMap. Cette carte interactive propose une surveillance de l’épidémie. Sur une carte mondiale, chaque point correspond à des cas cliniques, des décisions politiques ou encore des articles de presse. Ces initiatives, qui se multiplient, permettent d’avoir une idée assez précise et surtout très rapide de la progression du virus. Le numérique permet d’éviter les lenteurs des processus habituels, au cours desquels les informations médicales sont remontées du terrain jusqu’aux agences de santé, avant la communication au grand public.
« Les données existent, mais les agences de santé publique doivent courir après, ce qui prend un certain temps. L’épidémiologie numérique offre des outils qui leur font gagner en réactivité », précisait Marcel Salathé, professeur d’épidémiologie numérique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, dans une interview au journal Le Temps.
Une copie « synthétique » du virus
Des chercheurs d’un laboratoire de l’université de Caroline du Nord vont encore plus loin que recenser et informer : ils essaient de créer une copie du virus. Pour ce faire, ils utilisent uniquement des lectures informatiques de la séquence génétique mises en ligne par les laboratoires chinois en janvier dernier. Créer un virus « synthétique » donne aux chercheurs des moyens puissants pour étudier les traitements, les vaccins et la façon dont les mutations pourraient rendre le virus plus dangereux.
On le voit, l’éventail de solutions, notamment numériques, est large. Il pourrait être amené à se multiplier, surtout si le coronavirus poursuit son expansion. Affaire à suivre donc…
Cette contribution d’expert a été réalisée pour le compte du cluster AlpICT et publié à l’origine sur leur site web.