Au début octobre dernier, Swiss Digital Health a eu la chance de pouvoir visiter l’Institut de Recherche contre les Cancers de l’Appareil Digestif (IRCAD) à Strasbourg. Grâce à des robots, mais également à l’imagerie 3D et l’intelligence artificielle, cet organisme de renommée mondiale fait avancer chaque jour la chirurgie de demain et progresse à pas de géants vers la chirurgie augmentée. La digitalisation y est très importante, tout en gardant l’être humain au centre des préoccupations.
Depuis 1994, l’IRCAD est emmenée par des docteurs de renom comme Jacques Marescaux et Luc Soler. C’est ce dernier qui a accueilli Swiss Digital Health pour une visite guidée très intéressante.
En France, 90’000 erreurs médicales graves sont constatées chaque année, avec des morts à la clé. Cela représente davantage de morts que sur la route ou dans des accidents d’avion. « Il est donc important d’utiliser les technologies pour améliorer la situation, en développant des innovations et en formant des praticiens », précise le professeur Luc Soler.
6’000 chirurgiens formés chaque année
L’IRCAD est ainsi un véritable centre de formation et de recherche dans le domaine de la chirurgie non invasive. Il dispose d’antennes dans le monde entier, notamment à Taïwan, au Brésil et bientôt en Chine et en Afrique. 6000 chirurgiens de 112 nationalités sont formés chaque année à Strasbourg. Ceux-ci peuvent s’entraîner à manier des outils ultramodernes, dont des robots.
A l’instar des pilotes d’avion, les chirurgiens doivent être assistés au maximum par les technologies. Selon la vision de l’IRCAD, les blocs opératoires doivent être bardés de capteurs, afin d’offrir aux médecins une vision élargie et d’augmenter leur capacité de perception. « Jusqu’à présent, l’imagerie médicale était exclue du bloc opératoire », rappelle Luc Soler.
Les trois piliers de la chirurgie augmentée
Des nouveaux outils (robots par exemple), de nouvelles visions grâce à la réalité augmentée et le recours à l’intelligence artificielle pour les analyses : tels sont les trois piliers de la chirurgie augmentée, selon l’IRCAD.
La cartographie 3D est la solution pour préparer au mieux les opérations. « Cette technologie permet de générer une sorte de clone numérique des patients. Elle donne aussi la possibilité de mettre en transparence des organes ». Avec le logiciel 3D, il est donc possible de simuler en détail l’acte chirurgical, par exemple pour voir l’impact de la pose des agrafes sur telle ou telle veine. C’est également très utile avant d’opérer, pour savoir notamment où se situe une tumeur. « Dans plus de 30% des cas, il y a un changement sur les zones opérées suite à la consultation de la cartographie 3D », précise Luc Soler. Cette nouvelle technique sauve des vies. La réalisation d’une telle cartographie prend 30 minutes aujourd’hui. L’IRCAD utilise un modèle en ligne, réalisé par des spécialistes de l’imagerie.
Assistance lors des opérations
Dès que l’on a décidé, sur la base de la cartographie 3D, de l’opération à mener, on peut passer à l’opération elle-même. Les chirurgiens ont pour l’heure trois façons de faire :
- Emporter la carte 3D du patient avec soi, via une tablette. « Cela permet au chirurgien de comparer le modèle 3D à la réalité ».
- Connecter la carte au robot qui aidera à faire l’opération. La carte s’affiche ainsi en duo sur l’écran, à côté des images réelles du patient
- Proposer une réalité augmentée entre le direct et la carte 3D. Ceci n’est pas évident à réaliser, car le patient bouge. « Pour avoir du succès avec cette méthode, il faut un système de suivi des mouvements de la caméra ou du patient. Il faut aussi tenir compte des déformations (respirations) et un système qui intègre l’action du chirurgien. Cela se fait par la reconnaissance des pixels des images ».
Et bientôt… l’intelligence artificielle
Le projet Condor, piloté par l’IRCAD, souhaite également aller plus loin, grâce à l’intelligence artificielle. Sur le modèle de Watson Health (IBM), les cartographies 3D des patients et les vidéos des opérations sont mises dans une base de données. « Le but est d’obtenir des données standardisées sur des vidéos opératoires ». Le système permettra de calculer le temps opératoire moyen et d’aider les médecins.
La chirurgie de demain repose sur les imageries et la robotisation. Cette approche peut sembler très déshumanisante. Est-ce souhaitable ? « Quoi qu’il arrive l’humain doit rester au centre. Derrière cette chirurgie augmentée, il ne faut pas oublier d’augmenter la vie des patients que l’on soigne », conclut Luc Soler.
Propos recueillis le 5 octobre 2017 à Strasbourg